C'est une pratique spirituelle très profonde couramment pratiquée par les orthodoxes et qui remonterait aux premiers disciples du Christ.
Elle consiste en la répétition d'une courte phrase qui contient le Nom de Jésus, fixe l'attention, purifie l'âme et la conduit à Dieu.
Il existe plusieurs versions de cette phrase, qui véhiculent toutes le même sens et sont construites de la même manière. Voici les deux formulations que l'on retrouve le plus souvent :
« Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, ai pitié de moi (ou prend pitié de moi). »
ou « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, fais nous miséricorde. »
L'important est que cette phrase contienne le Nom de Jésus Christ et un appel à son amour infini.
C'est cet appel à la tendresse divine que l'on doit entendre dans « ai pitié de moi », et non une invocation à la clémence d'un Dieu qui punirait, ou qui nous considèrerait avec dédain.
Certains terminent la phrase en disant "pécheur" ("prends pitié de moi pécheur"), mais si ce mot engendre culpabilité et dévalorisation, mieux vaut ne pas le dire. Le sens que le terme 'pécheur' devrait plutôt véhiculer, c'est une conscience, pleine de compassion, des imperfections de notre personnalité. Nous devrions nous considérer pécheurs non à la manière des hommes qui jugent et condamnent, mais à la manière de Dieu qui aime, pardonne et purifie.
Pour ma part je préfère la phrase « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, fais nous miséricorde ». L'emploi du « nous » permet d'élargir la prière à l'ensemble des êtres sensibles.
Concrètement, on peut s'assoir sur une chaise, le dos droit, si possible décollé du dossier. La tête droite, dans l'axe du corps. Les pieds bien à plat au sol, les mains jointes et les pouces dirigés vers le centre de notre poitrine, de manière à orienter l'énergie de notre prière vers notre cœur, d'où proviennent, d'après le Christ, les tendances mauvaises que la Grâce divine doit purifier. La pointe de notre langue se colle à notre palais. Nos yeux, dans les premières semaines de pratique de cette prière, peuvent être fermés afin d'éviter les distractions visuelles. Puis, lorsque nous aurons pris l'habitude d'apaiser notre esprit, nous pourrons entrouvrir les yeux et diriger notre regard à 45° vers le bas (suivant l'arrête du nez). Par la suite, on pourra aussi diriger notre regard droit devant nous, comme si on voulait regarder l'horizon (là où la Terre et le Ciel se rejoignent), ce qui rendra notre esprit plus clair et nous permettra d'être davantage conscient de ce qui s'y passe.
On peut également prier en synchronisant notre prière sur notre respiration, par exemple de cette manière :
Pendant l'inspiration dire mentalement « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu ».
Pendant l'expiration « Fais nous miséricorde ».
Ce qui a été dit ci-dessus sur la posture et la respiration constitue des indications pratiques qui facilitent la circulation de l'énergie divine dans le corps et stabilisent l'esprit, mais ce ne sont pas des obligations. Si l'on a par exemple du mal à pratiquer la prière du cœur sans dossier, on peut très bien la faire dans un fauteuil (du moment que l'on reste vigilant et que l'on ne s'endort pas), ou encore placer nos mains dans une autre position.
Le plus important c'est notre attitude d'esprit, et la posture ainsi que la respiration ne sont là que pour nous aider à la trouver.
Cette attitude que nous recherchons dans cette prière est résumée par le Christ, dans cette directive qu'il donne à ses apôtres, juste avant sa passion, pour leur indiquer la conduite qu'ils doivent tenir : « Veillez et priez ».
Cette courte phrase résume tout ce que nous devons faire dans cette prière, ni plus, ni moins.
« Veillez » veut dire soyez attentif, soyez conscient. Dans cette prière du cœur, tandis que notre esprit se pose sur la courte invocation, il devient plus stable, il est de moins en moins emporté par toutes les pensées, émotions et sentiments qui se présentent à lui. Il peut alors les observer, les laisser être, sans les rejeter ni les nourrir.
Car la prière ne consiste pas à arrêter de penser et à ne rien ressentir, pas non plus à s'installer dans un vague bien être issu d'une espèce d'auto-hypnose, mais elle vise à rester stable, au milieu des pensées et des ressentis, accroché au nom de Jésus. C'est un peu comme si nous étions au beau milieu d'un océan, dont l'eau représenterait tout ce qui est emmagasiné dans notre inconscient, tout ce que contient notre âme. Les vagues de cet océan représentent nos pensées, nos émotions. Habituellement, nous sommes ballottés au grès des vagues de cet océan, sans aucune stabilité. La prière du cœur nous donne cette stabilité. La courte phrase à laquelle s'attache notre esprit est comme une bouée, attaché au fond de la mer par une ancre. Si nous nous accrochons à cette bouée, alors les vagues peuvent nous secouer mais elles ne nous emportent pas, nous restons là, avec le Christ, au milieu du tumulte de notre esprit (car si dans les premiers temps la prière n'est qu'une phrase, elle devient peu à peu la vivante présence du Christ).
Au début, nous pouvons avoir l'impression de mal nous y prendre et d'être assaillis de pensées lorsque nous prions, mais ceci est plutôt le signe que nous commençons à bien prier, car en fin de compte ces pensées sont là en permanence, le début de stabilité et de clarté que l'on trouve dans la prière ne fait que les révéler.
Lorsque toutes sortes de pensées et d'émotions nous traversent, nous devons nous contenter de « veiller », c'est à dire d'être pleinement conscient de tout ce qui passe en nous, sans le rejeter, sans le nourrir, sans le fuir ou le refouler, ou chercher à le modifier. Notre travail à nous c'est d'être pleinement conscient de ce qui se passe, pleinement ouvert, de ne pas refuser notre ressenti ou nous offusquer face à nos ombres qui se révèlent à nous.
La purification de notre être, c'est le travail de Dieu et c'est pour cela que nous devons aussi prier, ne pas cesser d'invoquer le Christ par notre prière, et lui faire confiance, croire en lui et le laisser faire. Ce n'est pas à nous d'agir, de faire. Car il est impossible à l'homme d'entrer par lui-même dans le Royaume de Dieu. Par contre Dieu Lui, peut le faire entrer car rien n'est impossible à Dieu. Tout ce que nous devons faire c'est être conscient et prier, veiller et prier.
Quoi qu'il se passe dans notre prière, nous devons y être pleinement attentif, et laisser à Dieu le soin de nous purifier peu à peu. Si c'est une émotion ou une pensée négative qui se manifeste, comme de l'orgueil ou de la colère par exemple, alors ne cherchons pas à l'enlever, à la refouler : acceptons de la ressentir, de la vivre, et sans pour autant agir sous son emprise, laissons la nous traverser. Cette émotion était emmagasinée dans notre inconscient, et c'est la prière qui la fait sortir. Le simple fait de prendre conscience de cette émotion, de la laisser être, sans lutter contre, va lui permettre de s'exprimer et de sortir de notre être. C'est un peu comme si notre être était un vase emplit de boue : dans la prière, Dieu déverse une eau pure dans ce vase, ce qui fait sortir la boue qui était au fond. Si nous laissons les choses sortir, s'exprimer, le vase de notre être va peu à peu se purifier. Cela ne va pas forcément se faire en une seule fois, mais lorsque nous prenons conscience d'une tache de notre âme dans la prière et qu'avec humilité nous acceptons de la regarder bien en face, tout en laissant à Dieu le soin de s'en occuper, elle est un peu plus purifiée à chaque nouvelle prise de conscience, jusqu'à finir par s'en aller complètement.
C'est pour cela que les mystiques chrétiens disent que le seul signe d'une bonne prière c'est la contrition, c'est à dire le fait de voir ses propres défauts sans chercher à se justifier ou à trouver des excuses et dans un regard guidé par l'Amour de Dieu. C'est cela qui purifie, c'est cela qui nous rend de plus en plus saints.
Mais la contrition est un don de Dieu, et nous ne devons donc pas chercher à la produire de nous-mêmes car ce que nous obtiendrions alors ne serait qu'appitoement sur soi. La contrition apparaîtra naturellement lorsque nous aurons pris l'habitude de demeurer stable dans la conscience des mouvements de notre âme et dans la réceptivité à l'action de Dieu en nous. Car la contrition c'est la conscience d'un défaut qui rencontre l'amour de Dieu.
Prier avec cet état d'esprit nous rendra de plus en plus conscient de nous-mêmes et cela aura aussi pour effet de nous révèler certaines souffrances cachées derrière nos défauts. Car chacun d'eux protége maladroitement notre moi des souffrances de notre passé que nous avions refoulées et qu'inconsciemment nous cherchons sans cesse à éviter. Dans la prière, sous l'action de la grâce de Dieu, et dans l'assumation de notre vulnérabilité, ces souffrances finiront aussi par émerger, par s'exprimer pour sortir de notre être... Comme pour le reste, il suffira de les accepter telles qu'elles sont, de les vivre et de laisser à Dieu le soin de nous en guérir peu à peu. Une fois ces souffrances acceptées, puis apaisées et guéries par l'amour de Dieu, la protection que constitue nos défauts s'en ira d'elle-même.
Le fait d'avoir des expériences de grande lumière dans la prière fait partie du chemin, mais ce n'est pas cela qui est le plus important. Si nous recherchons ces expériences dans la prière, cela montre que nous croyons que le chemin vers la sainteté consiste à élever notre être de plus en plus vers Dieu, pour devenir à l'image de Dieu. Mais nous n'avons pas besoin de devenir à l'image de Dieu, car nous sommes créés à l'image de Dieu. Cette image, cette sainteté est déjà là, au plus profond de nous, mais elle est recouverte par nos obscurcissements. Nous n'avons pas besoin d'aller vers la lumière qui est au centre de notre être, nous devons enlever tout ce qui la recouvre pour que, naturellement, elle apparaisse.
Si nous avons une expérience de lumière dans la prière c'est bien, cela nous donne un infime aperçu de la nature de Dieu, pour nous indiquer où nous devons chercher ; cela nous encourage aussi à persévérer. Mais cette expérience ne dure qu'un temps, elle n'est pas définitive. Par contre, si nous voyons un défaut et que Dieu par son amour le purifie, ainsi que la souffrance sous-jacente qui l'accompagnait, c'est une couche qui obscurcissait notre nature divine qui s'en va, et notre être en est un peu plus éclairé, car chaque défaut qui s'en va laisse apparaître un peu plus de lumière. Et cette lumière est quelque chose qui reste, qui est permanent, ce n'est pas une expérience qui ne dure qu'un temps. Voilà pourquoi finalement voir ses obscurcissements dans la prière est le signe que nous sommes plus avancés dans notre pratique que lorsque nous avions certaines impressions plus ou moins planantes. Ces impressions étant issues d'une création de notre moi, de notre volonté personnelle, alors que l'état de prière lui, est un don que l'on reçoit de Dieu.
« Veillez et priez » résume cela : être attentif à ce qui se passe en nous, et recevoir l'amour de Dieu. Car l'un ne va pas sans l'autre : l'Amour de Dieu illumine et révèle tout ce qui lui est contraire. Celui qui ne perçoit que de la lumière et des qualités dans sa prière n'est pas encore entré dans la vraie lumière.
Pour que les taches de notre âme soient purifiées, il faut qu'elles rencontrent l'Amour de Dieu. Et cette rencontre ne peut se produire qu'au sein de notre conscience, c'est à dire en étant conscient de nos taches et en recevant l'Amour de Dieu en même temps. Lorsque cela se produit, la conscience de nos défauts engendre un repentir qui est accompagné de Joie et de Paix, et qui n'a rien à voir avec la culpabilité ou le jugement de soi-même.
Malgrès ces indications qui montrent ce qu'est la prière, il faut, quand on la pratique, ne rien forcer, ne rien chercher à obtenir, mais se contenter d'invoquer Jésus (« Seigneur Jésus Christ »), qui est l'image visible du Dieu invisible (« Fils de Dieu »), faire appel à son amour inconditionnel (« prends pitié »), tout en restant conscient de tous les mouvements de notre psychisme, présent à nous-mêmes (« de moi » ou « de nous »).
Même si cela est d'une extrème simplicité, il faut souvent beaucoup d'entrainement pour que cet état s'installe dans notre prière, mais lorsque nous le trouvons, plus aucune difficulté ne parrait insurmontable, car à partir de ce moment, Dieu marche avec nous, Dieu agit en nous, et aucun obstacle ne peut résister indéfiniment à cette action.
Il est bon, à mon avis, de pratiquer la prière du coeur une fois le matin et une fois le soir. On peut commencer par une pratique de 5 minutes (programmée avec une alarme ou un minuteur). Puis, quand on se sent à l'aise avec ces 5 minutes, augmenter la durée de la prière : 10 minutes, puis 15 minutes...etc.
L'idéal serait d'arriver, au bout de plusieurs mois ou années, à accorder à cette prière au moins 20 ou 30 minutes de notre temps, le matin ainsi que le soir.
On peut également, en plus de ces temps de prière au calme, où notre vigilance et notre présence sont accrues (et donc où notre prière a plus d'efficacité), réciter la prière du coeur tout au long de la journée dans notre quotidien, dès que cela est possible (en voiture, dans une file d'attente, en regardant la télé...).
Plus nous pratiquerons la prière du coeur, plus notre âme se videra de tout ce qui n'est pas divin, couche par couche, dévoilant au fur et à mesure le Christ et le Royaume de Dieu qui sont au centre de notre être, jusqu'à ce que ce ne soit plus nous qui vivions, mais le Christ qui vive en nous.